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Voyage au Centre de la Terre

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XXXI

Le lendemain je me réveillai complètement guéri. Je pensai qu'un bain me serait très salutaire, et j'allai me plonger pendant quelques minutes dans les eaux de cette Méditerranée. Ce nom, à coup sûr, elle le méritait entre tous.

Je revins déjeuner avec un bel appétit. Hans s'entendait à cuisiner notre petit menu; il avait de l'eau et du feu à sa disposition, de sorte qu'il put varier un peu notre ordinaire. Au dessert, il nous servit quelques tasses de café, et jamais ce délicieux breuvage ne me parut plus agréable à déguster.

—Évidemment, et dès lors rien ne contredit l'existence de mers ou de contrées à l'intérieur du globe.

—Vous avez beau dire, tout cela me parait extraordinaire, et c'est à peine si j'en crois mes yeux. Qui eût jamais imaginé dans cette écorce terrestre un océan véritable, avec ses flux et ses reflux, avec ses brises, avec ses tempêtes!

—Trente ou quarante lieues.

—Tout autant?

—Sans doute.

—Sans doute, mais inhabitées.

—Retourner! Par exemple! Continuer notre voyage, au contraire, puisque tout a si bien marché jusqu'ici.

—Quelle longueur supposez-vous donc à cet océan?

—Précisément, et il est probable que, si nous arrivions sous les régions polaires, vers ce soixante-dixième degré où James Ross a découvert le pôle magnétique, nous verrions l'aiguille se dresser verticalement. Donc, ce mystérieux centre d'attraction ne se trouve pas situé à une grande profondeur.

—Pourquoi pas? Y a-t-il une raison physique qui s'y oppose?

—Pourquoi pas! Les corps ne sont-ils pas soumis dans leur ensemble à l'attraction universelle? Cette masse d'eau ne peut donc échapper à cette loi générale? Aussi, malgré la pression atmosphérique qui s'exerce à sa surface, tu vas la voir se soulever comme l'Atlantique lui-même.»

—Oui, répondit le professeur en riant; c'est un peu lourd à porter, mais la voûte est solide; le grand architecte de l'univers l'a construite on bons matériaux, et jamais l'homme n'eût pu lui donner une pareille portée! Que sont les arches des ponts et les arceaux des cathédrales auprès de cette nef d'un rayon de trois lieues, sous laquelle un océan et des tempêtes peuvent se développer à leur aise?

—Oui, avec une déclinaison occidentale de dix-neuf degrés et quarante-deux minutes, comme sur terre, absolument. Pour son inclinaison, il se passe un fait curieux que j'ai observé avec le plus grand soin.

—Oui, Axel, et d'après ces relais d'écume, tu peux voir que la mer s'élève d'une dizaine de pieds environ.

—Oh! Je ne crains pas que le ciel me tombe sur la tête. Maintenant, mon oncle, quels sont vos projets? Ne comptez-vous pas retourner à la surface du globe?

—Nous essayerons, Axel, car il faut pénétrer tous les secrets de ces régions nouvelles.

—Non: c'est naturel.

—Mais où sommes-nous, mon oncle? car je ne vous ai point encore posé cette question à laquelle vos instruments ont dû répondre?

—La science, mon garçon, est faite d'erreurs, mais d'erreurs qu'il est bon de commettre, car elles mènent peu à peu à la vérité.

—L'influence de la lune et du soleil se fait sentir jusqu'ici!

—Je suis sûr de ne pas me tromper de cinq cents toises.

—Je n'en vois pas, du moment qu'il faut abandonner le système de la chaleur centrale.

—Il faut donc en conclure que le point d'attraction magnétique se trouve compris entre la surface du globe et l'endroit où nous sommes parvenus?

—Horizontalement, à trois cent cinquante lieues de l'Islande.

—Et à quelle profondeur sommes-nous?

—Et lequel?

—Et la boussole indique toujours le sud-est?

—En tout cas, nous n'en avons pas aperçu un seul jusqu'ici.

—En effet, et voilà un fait que la science n'a pas soupçonné.

—Eh bien, nous pouvons fabriquer des lignes et voir si l'hameçon aura autant de succès ici-bas que dans les océans sublunaires.

—Eh bien! sur les rivages opposés, je suis certain de trouver de nouvelles issues.

—Donc, jusqu'ici la théorie de Davy se trouve justifiée?

—Comment, la marée! m'écriai-je.

—Cependant je ne vois pas comment nous pénétrerons sous cette plaine liquide.

—Cela n'est pas douteux.

—C'est que l'aiguille, au lieu de s'incliner vers le pôle, comme elle le fait dans l'hémisphère boréal, se relève au contraire.

—C'est merveilleux!

—Bon! pourquoi ces eaux ne donneraient-elles pas asile à quelques poissons d'une espèce inconnue?

—Aussi je ne prétends point m'y précipiter la tête la première. Mais si les océans ne sont, à proprement parler, que des lacs, puisqu'ils sont entourés de terre, à plus forte raison cette mer intérieure se trouve-t-elle circonscrite par le massif granitique.

—Ainsi, dis-je en considérant la carte, la partie montagneuse de l'Ecosse est au-dessus de nous, et, là, les monts Grampians élèvent à une prodigieuse hauteur leur cime couverte de neige.

—Ainsi nous n'avons pas de temps à perdre, et dès demain nous prendrons la mer.»

—Ah! fis-je, tout en imaginant que cette estime pouvait bien être inexacte.

—A une profondeur de trente-cinq lieues

«Voilà bien le flot qui commence, m'écriai-je.

«Maintenant, dit mon oncle, voici l'heure de la marée, et il ne faut pas manquer l'occasion d'étudier ce phénomène.

En ce moment nous foulions le sable du rivage et les vagues gagnaient peu à peu sur la grève.

Involontairement je cherchai des yeux le navire qui devait nous transporter.

«Ah! dis-je, nous nous embarquerons. Bien! Et sur quel bâtiment prendrons-nous passage?

—Ce ne sera pas sur un bâtiment, mon garçon, mais sur un bon et solide radeau.

—Un radeau! m'écriai-je; un radeau est aussi impossible à construire qu'un navire, et je ne vois pas trop…

—Tu ne vois pas, Axel, mais, si tu écoutais, tu pourrais entendre!

—Entendre?

—Oui, certains coups de marteau qui t'apprendraient que Hans est déjà à l'oeuvre.

—Il construit un radeau?

—Oui.

—Comment! il a déjà fait tomber dès arbres sous sa hache?

—Oh! les arbres étaient tout abattus. Viens, et tu le verras à l'ouvrage.»

Après un quart d'heure de marche, de l'autre côté du promontoire qui formait le petit port naturel, j'aperçus Hans au travail; quelques pas encore, et je fus près de lui. A ma grande surprise, un radeau à demi terminé s'étendait sur le sable; il était fait de poutres d'un bois particulier, et un grand nombre de madriers, de courbes, de couples de toute espèce, jonchaient littéralement le sol. Il y avait là de quoi construire une marine entière.

«Mon oncle, m'écriai-je, quel est ce bois?

—C'est du pin, du sapin, du bouleau, toutes les espèces des conifères du Nord, minéralisées sous l'action des eaux de la mer.

—Est-il possible?

—C'est ce qu'on appelle du «surtarbrandur» ou bois fossile.

—Mais alors, comme les lignites, il doit avoir la dureté de la pierre, et il ne pourra flotter?

—Quelquefois cela arrive; il y a de ces bois qui sont devenus de véritables anthracites; mais d'autres, tels que ceux-ci, n'ont encore subi qu'un commencement de transformation fossile. Regarde plutôt,» ajouta mon oncle en jetant à la mer une de ces précieuses épaves.

Le morceau de bois, après avoir disparu, revint à la surface des flots et oscilla au gré de leurs ondulations.

«Es-tu convaincu? dit mon oncle.

—Convaincu surtout que cela n'est pas croyable!»

Le lendemain soir, grâce à l'habileté du guide, le radeau était terminé; il avait dix pieds de long sur cinq de large; les poutres de surtarbrandur, reliées entre elles par de fortes cordes, offraient une surface solide, et une fois lancée, cette embarcation improvisée flotta tranquillement sur les eaux de la mer Lidenbrock.

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