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Voyage au Centre de la Terre

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XVII

Le véritable voyage commençait. Jusqu'alors les fatigues l'avaient emporté sur les difficultés; maintenant celles-ci allaient véritablement naître sous nos pas.

Je n'avais point encore plongé mon regard dans ce puits insondable où j'allais m'engouffrer. Le moment était venu. Je pouvais encore ou prendre mon parti de l'entreprise ou refuser de la tenter. Mais j'eus honte de reculer devant le chasseur. Hans acceptait si tranquillement l'aventure, avec une telle indifférence, une si parfaite insouciance de tout danger, que je rougis à l'idée d'être moins brave que lui. Seul, j'aurais entamé la série des grands argumente; mais, en présence du guide, je me tus; un de mes souvenirs s'envola vers ma jolie Virlandaise, et je m'approchai de la cheminée centrale.

—«Halt!» dit-il.

—«Gif akt!»

—Tu vas le voir.»

—Si, une sorte de couloir que j'entrevois et qui oblique vers la droite. Nous verrons cela demain. Soupons d'abord et nous dormirons après.»

—Où? demandai-je en me laissant glisser près de lui.

—Mais, dis-je, et les vêtements, et cette masse de cordes et d'échelles, qui se chargera de les descendre?

—Ils descendront tout seuls.

—Il n'y a donc pas d'autre issue?

—Comment cela? demandai-je fort étonné.

—Au fond de la cheminée perpendiculaire.

—Attention!» répétait mon oncle.

«Plus je vais, plus j'ai confiance; la disposition de ces terrains volcaniques donne absolument raison à la théorie de Davy. Nous sommes en plein sol primordial, sol dans lequel s'est produit l'opération chimique des métaux enflammés au contact de l'air et de l'eau; je repousse absolument le système d'une chaleur centrale; d'ailleurs, nous verrons bien.»

«Nous sommes arrivés, dit celui-ci.

«Maintenant, dit mon oncle après avoir achevé ces préparatifs, occupons-nous des bagages; ils vont être divisés en trois paquets, et chacun de nous en attachera un sur son dos; j'entends parler seulement des objets fragiles.»

«Hans, reprit-il, va se charger des outils et d'une partie des vivres; toi, Axel, d'un second tiers des vivres et des armes; moi, du reste des vivres et des instruments délicats.

«Bon, fit-il. A nous maintenant.»

Toujours la même conclusion. On comprend que je ne m'amusai pas à discuter. Mon silence fut pris pour un assentiment, et la descente recommença.

Quant à la profondeur à laquelle nous étions parvenus, ces quatorze manoeuvres d'une corde de deux cents pieds donnaient deux mille huit cents pieds.

Nous avions alors répété quatorze fois cette manoeuvre qui durait une demi-heure. C'était donc sept heures, plus quatorze quarts d'heure de repos ou trois heures et demie. En tout, dix heures et demie. Nous étions partis à une heure, il devait être onze heures en ce moment.

Mon oncle employait volontiers les grands moyens et sans hésiter. Sur son ordre, Hans réunit en un seul colis les objets non fragiles, et ce paquet, solidement cordé, fut tout bonnement précipité dans le gouffre.

Mon oncle employa un moyen fort simple pour obvier à cette difficulté. Il déroula une corde de la grosseur du pouce et longue de quatre cents pieds; il en laissa filer d'abord la moitié, puis il l'enroula autour d'un bloc de lave qui faisait saillie et rejeta l'autre moitié dans la cheminée. Chacun de nous pouvait alors descendre en réunissant dans sa main les deux moitiés de la corde qui ne pouvait se défiler; une fois descendus de deux cents pieds, rien ne nous serait plus aisé que de la ramener en lâchant un bout et en halant sur l'autre. Puis, on recommencerait cet exercice usque ad infinitum.

Lorsqu'une de ces marches glissantes venait à s'ébranler sous le pas de Hans, il disait de sa voix tranquille:

Le professeur attacha sur son dos le paquet des instruments; Hans prit celui des outils, moi celui des armes. La descente commença dans l'ordre suivant: Hans, mon oncle et moi. Elle se fit dans un profond silence, troublé seulement par la chute des débris de roc qui se précipitaient dans l'abîme.

La manoeuvre de la corde recommença, et une demi-heure après nous avions gagné une nouvelle profondeur de deux cents pieds.

L'obscurité n'était pas encore complète. On ouvrit le sac aux provisions, on mangea et l'on se coucha de son mieux sur un lit de pierres et de débris de lave.

L'audacieux professeur ne nous comprenait évidemment pas dans cette dernière catégorie.

Je ne sais si le plus enragé géologue eût essayé d'étudier, pendant cette descente, la nature des terrains qui l'environnaient. Pour mon compte, je ne m'en inquiétai guère; qu'ils fussent pliocènes, miocènes, éocènes, crétacés, jurassiques, triasiques, perniens, carbonifères, dévoniens, siluriens ou primitifs, cela me préoccupa peu. Mais le professeur, sans doute, fit ses observations ou prit ses notes, car, à l'une des haltes, il me dit:

Je me laissai couler, pour ainsi dire, serrant frénétiquement la double corde d'une main, de l'autre m'arc-boutant au moyen de mon bâton ferré. Une idée unique me dominait: je craignais que le point d'appui ne vint à manquer. Cette corde me paraissait bien fragile pour supporter le poids de trois personnes. Je m'en servais le moins possible, opérant des miracles d'équilibre sur les saillies de lave que mon pied cherchait à saisir comme une main.

Je m'arrêtai court au moment où j'allais heurter de mes pieds la tête de mon oncle.

Je demande à tout homme de bonne foi s'il était possible d'entendre sans frissonner de telles paroles!

J'entendis ce mugissement sonore produit par le déplacement des couches d'air. Mon oncle, penché sur l'abîme, suivait d'un oeil satisfait la descente de ses bagages, et ne se releva qu'après les avoir perdus de vue.

J'ai dit qu'elle mesurait cent pieds de diamètre, ou trois cents pieds de tour. Je me penchai au-dessus d'un roc qui surplombait, et je regardai; mes cheveux se hérissèrent. Le sentiment du vide s'empara de mon être. Je sentis le centre de gravité se déplacer en moi et le vertige monter à ma tête comme une ivresse. Rien de plus capiteux que cette attraction de l'abîme. J'allais tomber. Une main me retint. Celle de Hans. Décidément, je n'avais pas pris assez de leçons de gouffre à la Frelsers-Kirk de Copenhague.

Hans tira la corde par l'un de ses bouts; l'autre s'éleva dans l'air; après avoir dépassé le rocher supérieur, il retomba en raclant les morceaux de pierres et de laves, sorte de pluie, ou mieux, de grêle fort dangereuse.

Et quand, étendu sur le dos, j'ouvris les yeux, j'aperçus un point brillant à l'extrémité de ce tube long de trois mille pieds, qui se transformait en une gigantesque lunette.

En me penchant au-dessus de notre étroit plateau, je remarquai que le fond du trou était encore invisible.

En ce moment la voix de Hans se fit entendre:

Comme j'avais eu soin de noter exactement nos manoeuvres de corde, je pus me rendre un compte exact de la profondeur atteinte et du temps écoulé.

Cependant, si peu que j'eusse hasardé mes regards dans ce puits, je m'étais rendu compte de sa conformation. Ses parois, presque à pic, présentaient cependant de nombreuses saillies qui devaient faciliter la descente; mais si l'escalier ne manquait pas, la rampe faisait défaut. Une corde attachée à l'orifice aurait suffi pour nous soutenir, mais comment la détacher, lorsqu'on serait parvenu à son extrémité inférieure?

Cependant nous descendions toujours; il me semblait que les pierres détachées des parois s'engloutissaient avec une répercussion plus mate et qu'elles devaient rencontrer promptement le fond de l'abîme.

C'était une étoile dépouillée de toute scintillation et qui, d'après mes calculs, devait être sigma de la petite Ourse.

Au bout de trois heures, je n'entrevoyais pas encore le fond de la cheminée. Lorsque je relevais la tête, j'apercevais son orifice qui décroissait sensiblement; ses parois, par suite de leur légère inclinaison, tendaient à se rapprocher, l'obscurité se faisait peu à peu.

Après une demi-heure, nous étions arrivés sur la surface d'un roc fortement engagé dans la paroi de la cheminée.

Puis je m'endormis d'un profond sommeil.

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