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Ma confession

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II

Je raconterai un jour l'histoire de ma vie qui fut touchante et instructive, pendant ces dix années de ma jeunesse. Je voulais de toute mon âme être bon; mais j'étais jeune, j'avais des passions et j'étais seul, tout à fait seul, quand je cherchais le bien. Chaque fois que j'essayais de me prononcer sur cet ardent désir que j'avais d'être bon moralement, je ne rencontrais que mépris et moqueries; mais quand je m'adonnais aux vilaines passions, on me louait, on m'encourageait.

L'ambition, la passion du pouvoir, la cupidité, la volupté, l'orgueil, la colère, la vengeance—tout cela était estimé.

—Rien ne forme un jeune homme comme une liaison avec une femme comme il faut, disait-elle.

—Nous, nous enseignons ce qu'il faut, et les autres n'enseignent pas le vrai.

Être un de ses prêtres était très agréable et très avantageux.

Pour obtenir la gloire et l'argent pour lesquels j'écrivais, il fallait cacher le bien et montrer le mal. C'est ce que je fis.

Pour atteindre ce but, nous ne pouvions rien qu'écrire des livres et des journaux.

Or, ayant douté de la vérité de cette religion littéraire, je commençai à observer plus attentivement ses prêtres, et je me convainquis que presque tous étaient des hommes immoraux et, pour la plupart, des hommes mauvais, insignifiants, d'un caractère beaucoup plus bas que celui des hommes que j'avais rencontrés dans ma vie militaire et débauchée.

On me payait pour cela; j'avais tout: table magnifique, logement, femmes, société, j'avais la gloire.

Nous étions tous convaincus alors qu'il nous fallait parler et parler sans cesse, écrire, imprimer aussi vite que possible et autant que possible; que tout cela était nécessaire pour le bien-être de l'humanité.

Notre désir le plus vrai et le plus intime était de recevoir le plus d'argent et de louanges possible.

Moi, l'artiste, le poète—j'écrivais, j'enseignais, je ne savais pas quoi, moi-même.

Moi, j'étais considéré comme un magnifique artiste, un grand poète et, par conséquent, il me fut très naturel de m'approprier cette théorie.

Me livrant à ces passions, je commençais à ressembler à un homme et je sentais qu'on était content de moi.

Mais à la seconde et surtout à la troisième année d'une pareille vie, je commençai à douter de l'infaillibilité de cette croyance et je me mis à l'étudier.

Mais l'étrange, c'est qu'ayant compris tout ce mensonge bien vite et l'ayant renié, je ne renonçai pas au titre que me donnèrent ces hommes, à celui d'artiste, de poète et de maître.

Maintenant, quand je me rappelle ce temps, mon humeur d'alors et le caractère de ces gens,—du reste il y en a des millions qui leur ressemblent aujourd'hui,—je les plains, j'ai honte et j'ai envie de rire à la fois; j'éprouve ce sentiment qui s'empare de nous dans la maison des fous.

Ma bonne tante, chez qui je vivais et qui était bien l'être le plus pur du monde, me disait toujours qu'elle ne désirait rien tant pour moi qu'une liaison avec une femme mariée:

Les uns disaient:

Le premier motif de doute fut le suivant:

Le mensonge, le vol, les voluptés de toutes sortes, l'ivresse, la violence, le meurtre.... Il n'y a pas de crime que je n'aie commis, et pour tout cela, on me louait, on me comptait et on me compte au nombre des hommes relativement moraux.

Le jugement que mes compagnons de lettres portaient sur la vie consistait en ce que la vie, en général, marche en progressant et que, dans ce développement, nous prenons la part principale, nous—les hommes de la pensée. L'influence prépondérante nous appartient, à nous, artistes et poètes. Notre vocation est d'instruire les hommes.

Je vécus ainsi dix ans.

Je tuai des hommes à la guerre; je les défiai en duel pour les tuer; je perdis au jeu; je dissipai le produit des travaux des paysans; je les punissais, je faisais des folies, je trompais.

Je ne puis sans effroi, sans dégoût et sans souffrance de l'âme, me rappeler ces années.

Je me dégoûtai des hommes, je me dégoûtai de moi-même et je compris que cette croyance était une supercherie.

Je m'imaginais naïvement que moi du moins j'étais poète, artiste, et que je pouvais enseigner à tous, ne sachant pas ce que j'enseignais.

Je commençais à remarquer que les prêtres de notre culte n'étaient pas tous d'accord entre eux.

J'y parvenais et on me louait.

Il y avait, en outre, beaucoup d'hommes parmi nous qui ne se souciaient même pas de savoir qui avait raison et qui avait tort, ne poursuivant qu'un but, celui de profiter de notre activité.

Force me fut de douter de la vérité de notre croyance.

Et, pour que cette question naturelle: «que suis-je et que dois-je enseigner», ne se présentât pas de soi-même, on expliquait, dans cette théorie, qu'il était inutile de savoir cela et que l'artiste ou le poète enseignent sans connaissance de cause.

Et, par conséquent, ce que j'enseignais était très bon.

Et je vécus assez longtemps dans cette croyance, ne doutant pas de sa vérité.

Et ils discutaient, se querellaient, se grondaient, se trompaient, s'abusaient les uns les autres.

Et des milliers d'entre nous, tout en se grondant et se chicanant, imprimaient, écrivaient et prétendaient instruire les autres. Et, ne remarquant pas que nous ne savions rien, qu'à la question de la vie la plus simple: Qu'est-ce qui est bon et qu'est-ce qui est mauvais? nous ne savions que répondre, nous parlions tous ensemble, n'écoutant rien ni personne, quelquefois admirant et louant l'un ou l'autre, à la condition d'en être loué et admiré aussi; d'autres fois nous irritant l'un contre l'autre tout à fait comme des fous dans un asile.

Et c'est ce que je continuai de faire.

Elle souhaitait encore un autre bonheur pour moi, celui d'être aide de camp, et surtout aide de camp de l'Empereur; et, comme comble de la félicité—que je me mariasse à une jeune fille très riche, et que j'eusse, par suite de ce mariage, le plus de serfs possible.

Des milliers d'ouvriers travaillaient nuit et jour, et de toutes leurs forces, composaient, imprimaient des milliers de mots que la poste répandait dans toute la Russie; et puis nous enseignions plus longuement encore sans trouver le temps d'enseigner tout, et nous nous fâchions toujours de ce qu'on ne nous écoutait pas assez.

De ma liaison avec ces hommes, j'emportai un nouveau vice, un orgueil qui se développa jusqu'à la maladie, une folle assurance de me croire voué à enseigner aux hommes ne sachant pas quoi moi-même.

Combien de fois me suis-je ingénié à cacher dans mes écrits, sous les dehors de l'indifférence et d'une légère moquerie, même ces aspirations au bien qui étaient le but de ma vie!

Cette foi dans l'importance de la poésie et du développement de la vie était une religion, et moi j'étais un de ses prêtres.

Ces opinions se basaient sur une théorie qui excusait tout le libertinage de ma vie.

Cependant, je commençais à écrire par vanité, par cupidité et par orgueil. Je conformais mes écrits à ma vie.

Ce n'est que maintenant que je comprends ce temps bien étrange.

C'étaient des hommes contents d'eux-mêmes, comme ne peuvent l'être que les saints ou ceux qui ne savent même pas ce que c'est que la sainteté.

C'est ce que nous faisions.

A vingt-six ans, j'arrivai à Pétersbourg, après la guerre, et je me liai avec les écrivains qui me reçurent comme un des leurs. On me flatta, et je n'eus pas le temps d'y penser que les opinions sur la vie, opinions toutes spéciales à la caste des gens avec lequel je me liai, s'emparèrent de moi et effacèrent bientôt complètement tous mes précédents efforts pour devenir meilleur.

Mais pour accomplir un travail aussi inutile, il nous fallait avoir la conviction que nous étions des hommes très importants; nous avions encore besoin d'un raisonnement qui pût justifier notre activité.

Et nous avions inventé le suivant:

Tout ce qui existe est raisonnable. Tout ce qui existe se développe à l'aide de l'instruction. L'instruction se mesure d'après la propagation des livres et des journaux, et nous, on nous paye et on nous estime parce que nous écrivons des livres et des journaux. Par conséquent, nous sommes les hommes les meilleurs et les plus utiles.

Ce raisonnement aurait été très bon si nous eussions été tous d'accord; mais, comme à chaque pensée émise par l'un s'opposait toujours une autre diamétralement opposée, nous fûmes obligés de nous raviser. Mais nous ne remarquions pas cela; on nous payait, et les hommes de notre parti nous louaient. Aussi chacun de nous s'estimait-il dans le vrai.

Je vois maintenant qu'il n'y avait aucune différence avec la maison des fous; mais alors je ne soupçonnais ceci que vaguement, et encore, comme font tous les fous, j'appelais chacun fou, excepté moi-même.

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