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La guerre et la paix

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XVII

«Elle est venue passer quelque temps avec moi, lui dit la princesse Marie. Le comte et la comtesse nous rejoindront ces jours-ci.... La pauvre comtesse fait mal à voir.... Natacha elle-même a besoin de consulter un médecin; aussi l'ai-je enlevée de force.

—Hélas! Qui de nous n'a pas éprouvé, répondit Pierre.... Vous savez sans doute que «c'est arrivé» le jour de notre délivrance.... Je l'ai vu, quel charmant garçon c'était!»

—Pourquoi? demanda Natacha en le regardant.

—Parce que, interrompit Pierre, celui qui croit en un Dieu qui nous dirige peut seul supporter une perte semblable à celles que vous avez éprouvées.»

—Oui, oui, c'est ce qui rend la foi doublement nécessaire de nos jours, dit la princesse Marie.

—Comment, pourquoi? dit la princesse Marie.... La seule pensée de ce qui attend ceux...

—C'est bien vrai, répondit Pierre.

«Oui, dit-elle enfin d'une voix basse et voilée, ça été un grand bonheur, pour moi du moins, et lui,—elle essaya de dominer son émotion,—lui, le désirait aussi, lorsque je suis allée vers lui!»

«Et c'est tout, c'est tout!...» s'écria Natacha en se levant vivement, et, en s'élançant par la porte, dont le petit Nicolas venait de soulever la lourde portière, elle se heurta la tête contre un des battants, et disparut en poussant un gémissement de douleur: était-ce un gémissement de douleur physique ou de douleur morale?

«En quittant Moscou, je ne savais rien, je n'osais pas demander après lui, lorsque Sonia m'a appris qu'il nous suivait. Je ne pouvais ni manger, ni me figurer dans quel état il était; je ne désirais qu'une chose, le voir!»

«Aucune consolation n'est possible, poursuivit Pierre, aucune! Pourquoi, on se le demande, pourquoi est-il mort, ce cher enfant, plein de jeunesse et de vie?

«Ainsi donc, il s'est calmé, adouci.... Il n'avait jamais eu qu'un but, et il y tendait de toutes les forces de son âme, celui d'être parfaitement bon.... Que pouvait-il alors craindre de la mort? Ses défauts, s'il en a eu, ne peuvent lui être attribués.... Quel bonheur pour lui de vous avoir revue!» continua-t-il en s'adressant à Natacha, les yeux pleins de larmes.

Tremblante et haletante, elle raconta, sans se laisser interrompre, ce qu'elle n'avait encore raconté à personne, tout ce qu'elle avait souffert pendant ces trois semaines de voyage et de séjour à Yaroslaw. Pierre, en l'écoutant, ne pensait ni au prince André ni à la mort, ni à ce qu'elle disait. Il ne ressentait qu'une vive compassion de la peine qu'elle devait éprouver à évoquer ainsi ce triste passé; mais, en faisant ce récit douloureux, Natacha semblait obéir à une impulsion irrésistible. Elle mêlait les détails les plus puérils aux pensées les plus intimes, revenait plusieurs fois sur les mêmes scènes, et semblait ne pouvoir plus s'arrêter. À ce moment, Dessalles demanda, de l'autre chambre, si son élève pouvait entrer.

Sa voix se brisa, elle rougit, serra convulsivement ses mains et tout à coup, relevant la tête avec un visible effort, elle reprit d'une voix émue:

Pierre, qui ne l'avait pas quittée des yeux, sentit, quand elle ne fut plus là, qu'il était de nouveau seul en ce monde.

Natacha gardait le silence, mais ses yeux s'agrandissaient et brillaient de pleurs contenus.

Natacha fit un mouvement pour répondre, mais s'arrêta, pendant que Pierre s'adressait avec empressement à la princesse Marie pour avoir des détails sur les derniers jours de son ami. Son embarras avait disparu, mais avec cet embarras avait aussi disparu le sentiment de son entière liberté; il se disait que maintenant chacune de ses paroles, chacune de ses actions avait un juge dont l'opinion était pour lui ce qu'il y avait de plus précieux au monde. Tout en causant, il s'inquiétait, dans son for intérieur, de l'effet qu'il produisait sur Natacha, et se jugeait à son point de vue à elle. La princesse Marie se décida, à contre-cœur, à donner à Pierre les détails qu'il lui demandait, mais ses questions, l'intérêt dont elles étaient empreintes, sa voix tremblante d'émotion, l'obligèrent à retracer peu à peu ces tableaux qu'elle avait peur d'évoquer pour elle-même.

La princesse Marie le tira de sa rêverie en appelant son attention sur l'enfant qui venait d'entrer. La ressemblance du petit Nicolas avec son père le troubla si vivement, dans la disposition attendrie où il se trouvait, que, l'ayant embrassé, il se leva et se détourna en passant son mouchoir sur ses yeux. Il allait prendre congé de la princesse Marie, quand elle le retint.

Elle eut un tressaillement et inclina la tête, en se demandant indécise si elle parlerait ou non de lui.

«Restez, je vous en prie. Natacha et moi veillons souvent jusqu'à trois heures, le souper doit être prêt, descendez: nous viendrons vous rejoindre à l'instant.... C'est la première fois, savez-vous, ajouta-t-elle, qu'elle a parlé ainsi à cœur ouvert!»

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