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La guerre et la paix

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XI

Le 11 décembre, Sa Majesté, accompagnée de sa suite, du comte Tolstoï, du prince Volkonsky et d'Araktchéïew, arriva dans son traîneau de voyage, droit au château de Vilna. Malgré un froid très vif, une centaine de généraux et d'officiers des états-majors, ainsi qu'une garde d'honneur du régiment de Séménovsky, l'attendaient au dehors.

Le courrier qui précédait le Tsar, dans une troïka menée à fond de train, s'écria:

«Votre Altesse!»

«Le voici!» Konovnitzine s'élança dans le vestibule pour annoncer le Tsar à Koutouzow, qui attendait dans la chambre du suisse.

Une seconde troïka passa ventre à terre, et tous les yeux se fixèrent sur un traîneau qui s'avançait rapidement derrière elle, et au fond duquel on apercevait déjà l'Empereur et Volkonsky.

Une minute plus tard, la poitrine couverte de décorations, le ventre comprimé par son écharpe, il s'avança sur le perron en se balançant de toute sa forte et grasse personne, mit son chapeau, prit ses gants à la main, et, descendant avec peine les degrés, reçut le rapport qu'il devait remettre à l'Empereur.

Resté seul avec lui, il ne lui cacha pas son mécontentement des fautes qu'il avait commises à Krasnoé et à la Bérésina, ainsi que de la lenteur apportée à la poursuite de l'ennemi, et termina en lui exposant le plan d'une campagne hors du pays. Koutouzow ne fit ni objections ni remarques. Sa figure n'exprimait qu'une soumission complète et impassible, la même qu'il avait témoignée, sept ans auparavant, en recevant les ordres de l'Empereur sur le champ d'Austerlitz. Lorsqu'il le quitta, la tête inclinée sur sa poitrine, et traversant la grande salle, de son pas lourd et chancelant, une voix l'arrêta en lui disant:

L'Empereur salua les officiers, la garde des Séménovsky, et, serrant encore une fois la main au maréchal, entra au château.

Accoutumé, depuis cinquante ans, à l'émotion que lui causait invariablement une arrivée impériale, le général en chef la ressentit cette fois comme toujours: il tâta, avec une hâte inquiète, ses décorations, redressa son chapeau, et, au moment où l'Empereur mit pied à terre, leva les yeux sur lui; puis, prenant courage, il s'avança, et lui présenta le rapport, en lui parlant de sa voix insinuante et voilée. L'Empereur l'enveloppa des pieds à la tête d'un rapide coup d'œil, et fronça imperceptiblement les sourcils, mais, se dominant aussitôt, il lui ouvrit les bras et l'embrassa. De nouveau, l'impression que lui fit cette accolade familière, en se rattachant peut-être à ses pensées intimes, agit sur lui comme d'habitude et se traduisit par un sanglot.

Koutouzow releva la tête, et regarda longtemps le comte Tolstoï, qui était debout devant lui et lui présentait sur un plateau d'argent un petit objet. Il semblait ne pas comprendre ce qu'on lui voulait. Tout à coup un imperceptible sourire passa sur sa large figure, et, s'inclinant respectueusement, il prit l'objet qui était sur le plateau. C'était le Saint-Georges de première classe.

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