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La guerre et la paix

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IX

Une fois arrivés au corps de garde, l'officier et les soldats qui y avaient amené Pierre le traitèrent assez brutalement, sans doute en souvenir de la lutte qu'ils avaient eue à soutenir contre lui, sans se départir cependant d'un certain respect à son égard. Ils se demandaient avec curiosité s'ils n'avaient pas fait une capture importante, et lorsque le lendemain la garde fut relevée, Pierre s'aperçut que les nouveaux venus n'avaient plus pour lui la même considération. En effet, dans ce gros homme en caftan ils ne voyaient plus celui qui avait pris à partie le maraudeur et les soldats de la patrouille, mais tout simplement le n°17 des prisonniers remis à leur garde par ordre supérieur. Tous ceux qui étaient enfermés avec lui étaient des gens de condition inférieure. Ayant reconnu en Pierre un «monsieur», et l'entendant parler français, ils ne lui épargnèrent pas les plaisanteries. Tous, lui aussi, devaient être jugés comme incendiaires, et le troisième jour on les conduisit dans une maison où siégeaient un général à la moustache blanche, deux colonels et d'autres Français. Il interrogea les prisonniers de cette façon nette et précise qui semble appartenir en propre à un être supérieur aux faiblesses humaines:

«Qui était-il? Où avait-il été? Dans quelle intention?» etc., etc....

—Parce qu'il était sorti pour voir ce qui se passait en ville.»

—Parce qu'il défendait, répondit-il, une femme attaquée par ce dernier et que le devoir de tout honnête homme était de...»

«Pourquoi s'était-il trouvé dans la cour de la maison qui brûlait?...

«Pourquoi s'était-il colleté avec un maraudeur?...

«Inscrivez cette réponse, dit le général; ce n'est pas bien, c'est même très mal!...»

On l'interrompit, cette digression était inutile.

On l'interrompit de nouveau: on ne lui demandait pas où il allait, mais pourquoi il se trouvait à l'incendie. Lorsqu'on lui demanda son nom, il refusa de le dire.

Et l'on emmena les accusés.

Ces questions, en laissant de côté le fond même de l'affaire, et en éloignant par cela même la possibilité de le découvrir, tendaient au but que visent tous les interrogatoires des juges: tracer à l'inculpé la voie qu'il devait suivre pour arriver au résultat désiré, c'est-à-dire à s'accuser lui-même. Pierre, comme tous ceux qui se trouvent dans le même cas, se demandait avec étonnement pourquoi on lui adressait ces questions; car elles n'étaient, après tout, qu'un semblant de bienveillance et de politesse. Il se savait en leur pouvoir, au pouvoir de cette force qui l'avait amené devant eux et leur donnait le droit d'exiger des réponses compromettantes. On lui demanda donc ce qu'il faisait lors de son arrestation; il répondit, d'un air tragique, qu'il cherchait les parents d'un enfant sauvé par lui des flammes.

Le quatrième jour de son arrestation, les incendies atteignirent leur quartier. Pierre et ses treize compagnons furent emmenés ailleurs, et emprisonnés dans la remise d'une maison de marchands. En traversant les rues, il fut suffoqué par la fumée.... Les flammes gagnaient toujours du terrain. Sans comprendre encore l'importance de l'incendie de Moscou, il regardait ce spectacle avec terreur. Durant les quatre jours qu'il resta dans sa nouvelle prison, il y apprit, par des soldats français, qu'on attendait d'un moment à l'autre la décision du maréchal à leur égard. Quel maréchal? Ils ne le savaient pas. Les journées qui s'écoulèrent jusqu'au 8 septembre, date de leur second interrogatoire, furent les plus pénibles pour Pierre.

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