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La guerre et la paix

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XVII

Anatole sortit un moment, et revint bientôt, vêtu d'une petite pelisse retenue à la taille par une ceinture en cuir avec des ornements en argent, et coiffé d'un bonnet garni de zibeline, posé de côté d'un air crâne, qui seyait à merveille à sa belle figure. Il se regarda dans la glace, se retourna et saisit un verre rempli de vin:

«Eh bien, mon cher Dologhow! adieu, et merci pour tout ce que tu as fait; adieu, vous aussi, mes chers compagnons de jeunesse, adieu!»

—Venez, elle m'a donné l'ordre de vous amener près d'elle.

—Qui? ta maîtresse?... Que me veux-tu? murmura Anatole haletant.

—Que le bon Dieu vous donne du bonheur, beaucoup de bonheur,» répondit-elle avec son accent bohémien.

—En route, en route! s'écria Anatole.... Un moment! ajouta-t-il en voyant Balaga se diriger vers la sortie: fermez bien les portes, et asseyons-nous.» On les ferma et l'on s'assit.... «Voilà qui est fait, et maintenant, mes enfants, en route!» répéta-t-il en se levant.

«À votre santé!» dit Balaga en vidant le sien à son tour et en essuyant sa barbiche avec son mouchoir.

«Prenez des verres, toi aussi, Balaga.... Oui, compagnons de ma jeunesse, nous avons vécu, nous nous sommes amusés, nous avons fait des folies ensemble; et maintenant, quand nous reverrons-nous? Je vais à l'étranger. Adieu, mes enfants... À votre santé, hourra!...» Et, avalant d'un trait le contenu de son verre, il le jeta à terre, où il se brisa en mille morceaux.

«Où est la pelisse? demanda Dologhow. Hé, Ignatka! va demander à Matrena Matféïevna la pelisse de zibeline; entre nous, je crains qu'elle ne l'emporte, ajouta-t-il plus bas.... Tu verras, elle va accourir plus morte que vive sans rien mettre sur ses épaules, et, si tu t'attardes, il y aura des pleurs, papa et maman feront leur apparition...: aussi, prends bien vite la fourrure et fais-la mettre dans le traîneau.»

«Ma maîtresse vous attend, lui dit-il de sa voix de basse.

«Imbécile! je t'ai dit celle de zibeline! Hé, Matrëchka,» s'écria-t-il avec tant de force, que sa voix retentit jusqu'au fond de l'appartement.

«Hé, gare, gare!» criaient les cochers à pleins poumons. Sur la place Arbatskaïa, une des troïkas accrocha une voiture: il y eut un craquement suivi d'un cri, mais elle continua sa course effrénée, jusqu'au moment où Balaga, d'un vigoureux coup de poignet, arrêta tout court les chevaux, au carrefour des Vieilles-Écuries.

«Est-ce prêt? demanda Balaga.... Laissez aller!» cria-t-il en enroulant les rênes autour de sa main, et les troïkas partirent, en les emportant à fond de train le long du boulevard Nikitski.

«Entrez par ici, dans la cour, autrement on vous verra; elle va venir!» lui dit-elle. Dologhow s'arrêta devant la porte cochère, pendant qu'Anatole, suivant la fille, tournait l'angle de la maison; il venait de franchir les quelques marches du perron, lorsque le grand laquais de Marie Dmitrievna se dressa tout à coup devant lui.

«Eh bien, quoi! la voici, prenez-la, je ne la regrette pas,» dit-elle d'un ton plaintif, en contradiction avec ses paroles; elle était intimidée à la vue de son maître.

«Comme cela d'abord, dit-il en relevant le collet, et comme cela ensuite, ajouta-t-il en le faisant retomber sur sa tête, de façon à ne laisser qu'un peu de sa figure à découvert... et enfin comme cela!...» Et il poussa vers elle Anatole, qui lui appliqua un baiser sur les lèvres.

«Ah! prince, quel chagrin de nous séparer, murmurait-il, quel chagrin!

«Adieu, Matrëchka, c'est fini de mes folies ici! ma petite colombe, adieu, et souhaite-moi bonne chance!

Une jolie bohémienne, maigre et pâle, avec des yeux d'un noir de jais, des cheveux bouclés à reflets aile de corbeau, enveloppée d'un châle rouge, se précipita dans l'antichambre en apportant la fourrure de zibeline.

Makarine, les larmes aux yeux, embrassait Anatole:

Le domestique revint avec une pelisse doublée de renard ordinaire.

Joseph, le domestique, lui présenta sa sacoche et son sabre, et tous passèrent dans le vestibule.

Dologhow lui jeta sur les épaules la pelisse de renard et l'en enveloppa:

Deux troïkas, tenues par deux jeunes cochers, stationnaient devant la maison: Balaga monta dans le premier traîneau, leva haut les bras, et se mit, sans se hâter, à rassembler les rênes. Anatole et Dologhow s'assirent derrière lui. Makarine, Gvostikow et le domestique prirent place dans le second.

Anatole savait fort bien qu'ils se disposaient tous à l'accompagner, mais il tenait à rendre cette scène attendrissante et solennelle. Il parlait haut, lentement, la poitrine tendue avant, et se balançait sur une jambe:

Anatole et Dologhow mirent pied à terre sur le trottoir et s'approchèrent d'une grande porte cochère. Ce dernier siffla, on lui répondit, et une fille de service accourut à sa rencontre.

—Kouraguine, filons!... nous sommes trahis!» lui cria Dologhow, qui luttait corps à corps avec le dvornik, pendant que celui-ci s'efforçait de fermer la petite porte. Se dégageant enfin de son étreinte, et saisissant le bras d'Anatole, qui revenait à lui en courant, il l'entraîna au dehors, et s'élança avec lui dans la direction de leurs traîneaux.

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