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La guerre et la paix

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IV

La princesse Marie n'avait pas saisi un mot de la conversation: une seule chose la tourmentait, elle craignait qu'on ne s'aperçût de la contrainte qui régnait entre son père et elle, et n'avait même pas prêté la moindre attention aux amabilités de Droubetzkoï, qui en était à sa troisième visite.

Le prince et ses invités quittèrent le salon, Pierre s'approcha d'elle le chapeau à la main:

—Vraiment! reprit la princesse Marie, qui, les yeux sur sa bonne figure, se disait: «Mon chagrin serait assurément moins lourd si je pouvais le confier à quelqu'un, à Pierre par exemple; c'est un noble coeur, et il m'aurait donné, j'en suis sûre, un bon conseil!

—Vous plaît-il?

—Vous l'avez remarqué?

—Quel jeune homme?

—Parce que j'ai observé qu'il ne venait jamais à Moscou que pour tâcher d'y trouver une riche fiancée.

—Oui, il me paraît agréable... mais pourquoi cette question? répondit-elle, pensant toujours, malgré elle, à la scène du matin.

—Oui, et l'on peut être sûr de le rencontrer partout où il y en a une! Je le déchiffre à livre ouvert.... Pour le moment, il est indécis: il ne sait trop à qui donner la préférence, ou à vous, ou à Mlle Karaguine. Il est très assidu auprès d'elle.

—Oui certainement...» Et son regard inquiet semblait lui demander s'il n'avait rien remarqué.

—Oh! beaucoup!... Il a même inventé une nouvelle manière de faire la cour, poursuivit Pierre avec cette malice, pleine de bonhomie, qu'il se reprochait parfois dans son journal. «Il faut être mélancolique pour plaire aux demoiselles de Moscou..., et il est très mélancolique auprès de Mlle Karaguine.

—Non, depuis peu....

—Mais, princesse, au nom du ciel, que dites-vous?

—L'épouseriez-vous? continua ce dernier.

—Je ne sais ce que j'ai aujourd'hui, ajouta-t-elle en fondant en larmes.... N'y faites pas attention, je vous prie.»

—Je désire l'aimer de tout coeur! dites-le lui si vous la voyez avant moi, reprit la princesse Marie avec tristesse.

—Ils seront ici dans peu de jours,» ajouta Pierre.

—Il y va donc beaucoup?

—Droubetzkoï.

—Comment envisage-t-il à présent la chose?» demanda Pierre, en faisant allusion au vieux prince.

—Ah! mon Dieu, il y a des moments où j'aurais été prête à épouser n'importe qui, le premier venu, répondit, presque malgré elle, la pauvre fille, qui avait des larmes dans la voix.—Il est si dur, si dur d'aimer et de se sentir à charge à ceux qu'on aime, de leur causer de la peine, et de ne pouvoir y remédier; il ne reste plus alors qu'une chose à faire, les quitter.... Mais où puis-je aller?

«Que savez-vous des Rostow? continua-t-elle en changeant de sujet: on m'a assuré qu'ils allaient arriver.... André aussi est attendu de jour en jour. J'aurais voulu qu'ils se vissent ici.

«Peut-être non, peut-être oui, mais elle ne tient pas à en faire preuve, car elle est la séduction même, et rien de plus.

«Peut-on rester encore quelques instants? lui demanda-t-il.

«Je ne sais comment répondre à votre question, dit-il en rougissant sans cause, et en lui faisant part sincèrement de ses impressions. Je n'ai pas analysé son caractère, et je ne sais pas ce qu'il vaut, mais je sais qu'elle est la séduction même: ne me demandez pas pourquoi, je ne saurais vous le dire.»

«Est-elle intelligente?»

«Connaissez-vous ce jeune homme depuis longtemps, princesse?

Pierre, dont l'humeur était toujours charmante après le dîner, souriait doucement en regardant dans le vague:

Pierre réfléchit:

Pierre crut entrevoir, dans cette insistance de la princesse à lui demander la vérité, rien que la vérité, une disposition malveillante à l'égard de la fiancée de son ami; il était évident que la princesse Marie attendait de lui un mot de blâme.

La princesse Marie soupira; ses craintes se confirmaient de plus en plus:

La princesse Marie secoua tristement la tête: «Toujours de même, et il ne reste plus que quelques mois pour finir l'année d'épreuve; j'aurais désiré la voir de plus près.... Vous les connaissez de longue date? Eh bien! dites-moi franchement, la main sur le coeur, comment elle est et ce que vous en pensez... mais bien franchement, n'est-ce pas? André risque tant en agissant contre la volonté de son père, que j'aurais voulu savoir...»

La gaieté de Pierre s'évanouit: il la questionna affectueusement, en la suppliant de lui confier son secret, mais elle se borna à lui répéter que ce n'était rien, qu'elle avait oublié de quoi il s'agissait, et que son seul ennui était le prochain mariage de son frère, qui menaçait de brouiller le père et le fils.

Elle lui dit alors que son projet bien arrêté était de la voir dès son arrivée, et de faire tout ce qui lui serait possible auprès de son père pour lui faire accepter de bon gré sa future belle-fille.

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