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La guerre et la paix

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XVIII

Après avoir traversé le corridor, ils entrèrent dans la section des officiers, qui était composée de trois pièces communiquant entre elles: il y avait là des lits, sur lesquels les malades étaient couchés ou assis. Quelques-uns d'entre eux se promenaient en robe de chambre. Le premier que remarqua Rostow fut un petit homme maigre avec un bras de moins, en bonnet de coton, une pipe à la bouche, arpentant de long en large la première pièce. Il essaya de se rappeler où il l'avait déjà vu.

«Voilà comme on se retrouve, dit le petit homme. C'est moi, Touschine, celui qui vous a ramené là-bas à Schöngraben, et vous voyez, ajouta-t-il en montrant sa manche flottante, on m'a enlevé un petit morceau!... Vous cherchez Denissow... c'est mon compagnon!... Venez par ici,» et il l'emmena dans la chambre voisine, où l'on entendait rire aux éclats.

—Moi, demander une grâce à l'Empereur! s'écria Denissow d'une voix irritée, bien qu'il tâchât seulement de lui rendre son énergie d'autrefois. Pourquoi? Si j'avais été un brigand, j'aurais pu demander ma grâce, et c'est parce que j'attaque des misérables?... Qu'on me juge, je n'ai pas peur: j'ai servi honorablement l'Empereur, la patrie, je n'ai pas volé! Et l'on me dégraderait pour.... Allons donc!... Écoute ce que je leur dis plus loin: «Si j'avais volé le gouvernement...»

—L'auditeur vous a pourtant préparé une supplique, dit Touschine; vous devriez la signer et la remettre à Rostow: il a sûrement des accointances avec l'état-major, et vous ne trouverez pas de meilleure occasion.

—J'ai déclaré que je ne ferais point de bassesse,» répondit Denissow, et il reprit sa lecture.

—Eh bien, tant pis, repartit Denissow.

—C'est bien écrit, assurément cela saute aux yeux, dit Touschine, mais là n'est pas la question, Vassili Dmitritch, il faut se soumettre... et il ne le veut pas, ajouta-t-il en s'adressant à Rostow; l'auditeur lui a bien dit que son affaire était mauvaise.

«À mon avis, dit le uhlan en l'interrompant au beau milieu de sa lecture, il n'y a qu'une chose à faire, s'adresser à la clémence de l'Empereur. Il y aura, dit-on, une pluie de récompenses, et il graciera, c'est sûr....

«Si! un moment,» répondit-il, et, tirant de dessous son oreiller les mêmes papiers, il s'approcha de la fenêtre, sur l'appui de laquelle il y avait un encrier, et il y trempa une plume:

«Il n'y a pas à dire, un fouet ne peut briser une hache,» dit-il en remettant à Rostow une grande enveloppe.

«Comment ont-ils envie de rire ici?» se demanda Rostow qui ne pouvait ni se débarrasser de l'odeur du mort, ni oublier les regards qui l'avaient suivi à sa sortie.

«Ah! Rostow! bonjour, bonjour!» s'écria-t-il de sa voix habituelle; mais Rostow remarqua avec peine qu'à travers sa vivacité et son insouciance ordinaire un sentiment étrange d'aigreur perçait sur sa figure et dans ses paroles.

Sa blessure, malgré son peu d'importance, n'était pas encore guérie après un séjour de six semaines à l'hôpital; son visage était bouffi et pâle comme ceux de ses camarades; mais ce n'était pas là ce qui avait frappé Rostow: c'était le sourire forcé de son ami, qui semblait ne pas se réjouir de sa visite, et qui ne le questionnait ni sur le régiment, ni sur ce qui s'y passait; il se bornait à l'écouter lorsque Nicolas en parlait.

S'étant enfin décidé à partir, fort avant dans la soirée, Rostow lui demanda s'il n'avait pas de commissions?

Rostow partageait l'opinion de Touschine et des autres officiers; c'était, il le sentait d'instinct, la seule et véritable voie à suivre; il aurait été heureux de rendre ce service à son camarade, mais, connaissant sa volonté inébranlable et le juste motif de son emportement, il n'osait l'y engager.

Lorsque cette lecture irritante, qui avait duré plus d'une heure, fut terminée, les groupes se reformèrent autour d'eux, et Rostow, profondément attristé, passa le reste de la journée à causer de choses et d'autres, et à écouter les récits de ces pauvres blessés, tandis que Denissow, sombre et morne, gardait constamment le silence.

Il ne témoignait aucun intérêt à rien: on aurait dit qu'il s'efforçait d'oublier le passé, et qu'il n'avait qu'une seule et constante préoccupation, son affaire avec l'intendance. Quand Rostow lui demanda où elle en était, il tira de dessous son oreiller plusieurs papiers, entre autres celui qu'il avait reçu en dernier lieu de la commission et le brouillon de sa réponse, qui évidemment lui plaisait, car il faisait remarquer à Rostow les réflexions piquantes dont il l'avait émaillée. Ses camarades, qui avaient entouré avec empressement le nouveau venu, porteur de nouvelles du monde extérieur, s'éloignèrent peu à peu, aussitôt que Denissow commença à lire. Leur figure disait assez qu'ils avaient par-dessus la tête de toute cette histoire. Seul son voisin de lit, un gros uhlan qui fumait sa pipe d'un air sombre, et le petit Touschine, branlant la tête d'un air désapprobateur, continuèrent à l'écouter:

Denissow, la tête enfouie sous sa couverture, dormait encore, quoiqu'il fût déjà midi:

C'était sa supplique à l'Empereur, dans laquelle, sans parler de ses griefs contre l'intendance, il demandait sa grâce pure et simple:

«Tu la remettras à qui de droit; on voit bien...» Il n'acheva pas, un sourire douloureux et forcé contracta ses lèvres.

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