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La guerre et la paix

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V

«Eh bien, qu'on commence! s'écria Dologhow.

—Eh bien!» répéta Pierre en souriant.

—Mal! mais ce n'est pas là l'important. Mon ami, dit-il d'une voix entrecoupée, où sommes-nous? À Moscou, n'est-ce pas? Écoute, ... je l'ai tuée, elle... elle ne le supportera pas, elle ne le supportera pas!

—Mais qui donc? dit Rostow surpris.

—Ma mère, ma pauvre mère, ma mère adorée!»

—Couvrez-vous donc!» s'écria malgré lui Denissow, bien qu'il fût le témoin de Dologhow.

«Une! deux! trois!» compta Denissow d'une voix sourde, en se reculant. Les combattants s'avancèrent sur le sentier frayé, et chacun d'eux voyait peu à peu émerger du brouillard la figure de son adversaire. Ils avaient le droit de tirer à volonté en marchant. Dologhow s'avançait sans se hâter et sans lever son pistolet: ses yeux bleus brillaient et regardaient fixement Pierre; sa bouche se plissait en un semblant de sourire.

«Non... siffla entre ses dents Dologhow, non, ce n'est pas fini!» et, faisant en chancelant quelques pas, il tomba sur la neige à côté du sabre. Sa main gauche était couverte de sang; il l'essuya à son uniforme et s'appuya dessus; son visage pâle et sombre tremblait avec une contraction nerveuse.

«Les adversaires, dit-il, s'étant refusés à toute réconciliation, on peut commencer. Qu'on prenne les pistolets, et qu'on se porte en avant au mot «trois!»

«Je vous... commença-t-il à dire, et il ajouta avec effort: prie!...» Pierre, retenant avec peine un sanglot, allait s'approcher de lui, lorsqu'il lui cria: «À la barrière!» Pierre comprit et s'arrêta. Ils n'étaient plus qu'à dix pas l'un de l'autre. Dologhow plongea sa tête dans la neige, en remplit sa bouche avec avidité, se redressa sur son séant et chercha à retrouver son équilibre, tout en ne cessant de sucer et de manger cette neige glacée. Ses lèvres frissonnaient, mais ses yeux brillaient de l'éclat de la haine, et, réunissant toutes ses forces dans un dernier effort, il leva son pistolet et visa lentement.

«De côté, couvrez-vous du pistolet, s'écria Nesvitsky.

«Comment te sens-tu?

«C'est bête... c'est bête! disait-il. Mort? ce n'est pas vrai!»

Rostow et Denissow emmenèrent Dologhow, qui, grièvement blessé et étendu au fond du traîneau, restait immobile, les yeux fermés, sans répondre à leurs questions; ils étaient à peine rentrés en ville qu'il revint à lui, et, relevant péniblement la tête, il prit la main de Rostow, qui fut frappé du changement complet de l'expression de sa figure, devenue douce et attendrie.

Pierre, avec un doux sourire de pitié et de regret, s'était abandonné sans défense et offrait sa large poitrine au pistolet de Dologhow, qu'il regardait tristement. Les trois témoins fermèrent les yeux. Le coup partit, et Dologhow, s'écriant avec férocité: «Manqué!» retomba la face contre terre.

Pierre se prit la tête dans les mains et, retournant sur ses pas, entra dans la forêt en marchant dans la neige à grandes enjambées.

Nesvitsky le rejoignit et le conduisit chez lui.

La situation devenait terrible. L'affaire, si insignifiante au début, ne pouvait plus maintenant être arrêtée. Elle suivait fatalement sa marche en dehors de toute volonté humaine; elle devait s'accomplir! Denissow s'avança jusqu'à la barrière:

Au mot: «trois!» Pierre marcha rapidement; s'écartant du sentier battu, il s'enfonça dans la neige. Tenant son pistolet le bras tendu en avant, dans la crainte de se blesser lui-même, il cherchait à soutenir sa main droite avec sa main gauche, qu'il avait instinctivement rejetée en arrière, tout en comprenant l'inutilité de cet effort; au bout de quelques pas, il se retrouva sur le chemin, regarda à ses pieds, jeta un coup d'œil sur Dologhow, et tira. Ne s'attendant pas à un choc aussi violent, Pierre tressaillit, s'arrêta et sourit de son impression. La fumée, rendue encore plus épaisse par le brouillard, l'empêcha d'abord de rien distinguer, et il attendait en vain l'autre coup, lorsque des pas précipités se firent entendre, et il entrevit, au milieu de la fumée, Dologhow pressant d'une main son côté gauche, et de l'autre serrant convulsivement son pistolet abaissé. Rostow était accouru à lui.

Et Dologhow éclata en sanglots. Quand il fut un peu calmé, il expliqua à Rostow qu'il vivait avec sa mère, que, si elle le voyait mourant, elle ne survivrait pas à sa douleur, et le supplia d'aller la prévenir, ce que Rostow fit aussitôt, tout en apprenant, à sa grande stupéfaction, que ce mauvais sujet, ce bretteur, demeurait avec une vieille mère et une sœur bossue, et qu'il était pour elles le plus tendre des fils et le meilleur des frères.

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