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Un drame dans les airs

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II

Cependant, le ballon heureusement se rapprochait de terre; mais, quand on tombe, le danger est aussi grave à cent pieds qu'à cinq mille!

«Vous rappelez-vous la bataille de Fleuras? reprit mon compagnon, dont la face s'animait de plus en plus. C'est à cette bataille que Coutelle, par l'ordre du gouvernement, organisa une compagnie d'aérostiers! Au siège de Maubeuge, le général Jourdan retira de tels services de ce nouveau mode d'observation, que deux fois par jour, et avec le général lui-même, Coutelle s'élevait dans les airs. La correspondance entre l'aéronaute et les aérostiers qui retenaient le ballon s'opérait au moyen de petits drapeaux blancs, rouges et jaunes. Souvent des coups de carabine et de canon furent tirés sur l'appareil à l'instant où il s'élevait, mais sans résultat. Lorsque Jourdan se prépara à investir Charleroi, Coutelle se rendit près de cette place, s'enleva de la plaine de Jumet, et resta sept ou huit heures en observation avec le général Morlot, ce qui contribua sans doute à nous donner la victoire de Fleuras. Et, en effet, le général Jourdan proclama hautement les secours qu'il avait retirés des observations aéronautiques. Eh bien! malgré les services rendus à cette occasion et pendant la campagne de Belgique, l'année qui avait vu commencer la carrière militaire des ballons la vit aussi terminer! Et l'école de Meudon, fondée par le gouvernement, fut fermée par Bonaparte à son retour d'Égypte! Et cependant, qu'attendre de l'enfant qui vient de naître? avait dit Franklin. L'enfant était né viable, il ne fallait pas l'étouffer!»

—Vous n'avez jamais traversé les mers?» me demanda-t-il.

—Quels sont vos projets? dis-je alors.

—Descendre, quand le soleil est là, qui nous attend! En bas les sacs!»

À trois mille cinq cents mètres, nous demeurâmes stationnaires. L'inconnu parlait sans cesse. J'étais dans une prostration complète, tandis qu'il semblait, lui, vivre en son élément.

«—Que faire? dit Jefferies.

«—Nous remontons, dit le docteur.

«—Nous ne sommes qu'aux trois quarts du chemin, répondit Blanchard, et peu élevés! En montant, nous rencontrerons peut-être des vents plus favorables.

«—Non, non! c'est affreux!»

«—Non, c'est l'élan causé par la diminution du poids! Et pas un navire en vue, pas une barque à l'horizon! À la mer nos vêtements!»

«—Le baromètre?

«—Le ballon est déchiré? dit Jefferies. «—Non! la perte du gaz a dégonflé la partie inférieure du ballon! Mais nous descendons toujours! Nous sommes perdus! En bas toutes les choses inutiles!»

«—Jetons le reste du sable!»

«—Il nous reste une ressource! dit-il. Nous pouvons couper les cordages qui retiennent la nacelle et nous accrocher au filet! Peut-être le ballon se relèvera-t-il. Tenons-nous prêts! Mais ... le baromètre descend! Nous remontons! Le vent fraîchit! Nous sommes sauvés!»

«—Il monte! Nous sommes perdus, et cependant voilà les côtes de France!»

«—Blanchard, dit Jefferies, vous deviez faire seul ce voyage; vous avez consenti à me prendre; je me dévouerai! Je vais me jeter à l'eau, et le ballon soulagé remontera!

«—Adieu, mon ami! dit le docteur. Dieu vous conserve!»

«Voyez cette ville, dit l'inconnu! C'est Spire!».

«Vous m'impatientez! s'écria l'inconnu, et vous ne saurez plus si nous montons ou si nous descendons!»

«Vous connaissez la traversée de Douvres à Calais faite par Blanchard et Jefferies! C'est magnifique! Le 7 janvier 1788, par un vent de nord-ouest, leur ballon fut gonflé de gaz sur la côte de Douvres. Une erreur d'équilibre, à peine furent-ils enlevés, les força à jeter leur lest pour ne pas retomber, et ils n'en gardèrent que trente livres. C'était trop peu, car le vent ne fraîchissant pas, ils n'avançaient que fort lentement vers les côtes de France. De plus, la perméabilité du tissu faisait peu à peu dégonfler l'aérostat, et au bout d'une heure et demie les voyageurs s'aperçurent qu'ils descendaient.

«Un grand bruit se fit entendre.

«Par pitié! descendons!»

«Malgré ma défense, monsieur, vous avez ouvert la soupape?»

«Les voyageurs aperçoivent Calais! Leur joie tient du délire! Quelques instants plus tard, ils s'abattaient dans la forêt de Guines.»

«Les provisions de bouche, les rames et le gouvernail furent jetés à la mer. Les aéronautes n'étaient plus qu'à cent mètres de hauteur.

«Les malheureux se dépouillèrent, mais le ballon descendait toujours!

«Le ballon se dégonflait de plus en plus, et sa concavité, faisant parachute, resserrait le gaz contre les parois et en augmentait la fuite!

«Le ballon reprit un peu de force ascensionnelle, mais il ne tarda pas à redescendre. Vers la moitié du voyage, les aéronautes se débarrassèrent de livres et d'outils. Un quart d'heure après, Blanchard dit à Jefferies:

«Je vous ai laissé ouvrir la soupape, dit-il, parce que la dilatation du gaz menaçait de crever le ballon! Mais n'y revenez pas!»

«Je ne doute pas, ajouta l'inconnu, qu'en pareille circonstance, vous ne prissiez exemple sur le docteur Jefferies!»

«Il est inutile que vous sachiez où je vous mène, dit-il alors, et il lança la boussole dans les nuages. Ah! c'est une belle chose qu'une chute! Vous savez que l'on compte peu de victimes de l'aérostation depuis Pilâtre des Rosiers jusqu'au lieutenant Gale, et que c'est toujours à l'imprudence que sont dus les malheurs. Pilâtre des Rosiers partit avec Romain, de Boulogne, le 13 juin 1785. À son ballon à gaz il avait suspendu une montgolfière à air chaud, afin de s'affranchir, sans doute, de la nécessité de perdre du gaz ou de jeter du lest. C'était mettre un réchaud sous un tonneau de poudre! Les imprudents arrivèrent à quatre cents mètres et furent pris par les vents opposés, qui les rejetèrent en pleine mer. Pour descendre, Pilâtre voulut ouvrir la soupape de l'aérostat, mais la corde de cette soupape se trouva engagée dans le ballon et le déchira tellement qu'il se vida en un instant. Il tomba sur la montgolfière, la fit tournoyer et entraîna les infortunés, qui se brisèrent en quelques secondes. C'est effroyable, n'est-ce pas?»

«Il est fâcheux, ajouta-t-il, que nous soyons poussés vers la mer Adriatique! Ce n'est qu'un ruisseau! Mais plus haut, nous trouverons peut-être d'autres courants?»

«Il allait s'élancer, quand Blanchard le retint.

«Heureusement, reprit-il, nous avons encore trois cent livres de lest!

«Descendons! m'écriai-je.

«Avec un bon vent, nous irions loin! s'écria-t-il. Dans les Antilles, il y a des courants d'air qui font cent lieues à l'heure! Lors du couronnement de Napoléon, Garnerin lança au ballon illuminé de verres de couleurs, à onze heures du soir. Le vent soufflait du nord-nord-ouest. Le lendemain au point du jour, les habitants de Rome saluaient son passage au-dessus du dôme de Saint-Pierre! Nous irons plus loin ... et plus haut!»

Les nuages se déroulaient sous nos yeux en masses éblouissantes. Le ballon jetait de grandes ombres sur cet entassement de nuées et s'enveloppait comme d'une auréole. Le tonnerre mugissait au-dessous de la nacelle. Tout cela était effrayant!

Les nuages nous pressaient de toutes parts, et d'effroyables détonations, qui se répercutaient dans la cavité de l'aérostat, se croisaient autour de nous.

L'inconnu courba son front sur ses mains, se prit à réfléchir quelques instants. Puis, sans relever la tête, il me dit:

Je ne pus répondre que ces mots:

Je me sentis pâlir.

Je me penchai en dehors de la nacelle, et j'aperçus un petit entassement noirâtre. C'était Spire. Le Rhin, si large, ressemblait à un ruban déroulé. Au-dessus de notre tête, le ciel était d'un azur foncé. Les oiseaux nous avaient abandonnés depuis longtemps, car dans cet air raréfié leur vol eût été impossible. Nous étions seuls dans l'espace, et moi en présence de l'inconnu!

Je lâchai la corde.

J'entendais à peine! Tout bourdonnait autour de moi! Une trouée se fit dans les nuages.

Et, sans me regarder, il délesta le ballon de quelques sacs de sable. Puis, d'une voix menaçante:

Et le ballon fut délesté de plus de cinquante livres!

Et il reprit en ces termes:

Et le baromètre alla rejoindre la boussole avec quelques sacs de terre. Nous devions être à cinq mille mètres de hauteur. Quelques glaçons s'attachaient déjà aux parois de la nacelle, et une sorte de neige fine me pénétrait jusqu'aux os. Et cependant un effroyable orage éclatait sous nos pieds, mais nous étions plus haut que lui.

«N'ayez pas peur, me dit l'inconnu. Il n'y a que les imprudents qui deviennent des victimes. Olivari, qui périt à Orléans, s'enlevait dans une montgolfière en papier; sa nacelle, suspendue au-dessous du réchaud et lestée de matières combustibles, devint la proie des flammes; Olivari tomba et se tua! Mosment s'enlevait à Lille, sur un plateau léger; une oscillation lui fit perdre l'équilibre; Mosment tomba et se tua! Bittorf, à Manheim, vit son ballon de papier s'enflammer dans les airs; Bittorf tomba et se tua! Harris s'éleva dans un ballon mal construit, dont la soupape trop grande ne put se refermer; Harris tomba et se tua! Sadler, privé de lest par son long séjour dans l'air, fut entraîné sur la ville de Boston et heurté contre les cheminées; Sadler tomba et se tua! Coking descendit avec un parachute convexe qu'il prétendait perfectionné; Coking tomba et se tua! Eh bien, je les aime, ces victimes de leur imprudence, et je mourrai comme elles! Plus haut! plus haut!»

Tous les fantômes de cette nécrologie me passaient devant les yeux! La raréfaction de l'air et les rayons du soleil augmentaient la dilatation du gaz, et le ballon montait toujours! Je tentai machinalement d'ouvrir la soupape, mais l'inconnu en coupa la corde à quelques pieds au-dessus de ma tête ... J'étais perdu!

«Avez-vous vu tomber Mme Blanchard? me dit-il. Je l'ai vue, moi! oui, moi! J'étais au Tivoli le 6 juillet 1819. Mme Blanchard s'élevait dans un ballon de petite taille, pour épargner les frais de remplissage, et elle était obligée de le gonfler entièrement. Aussi, le gaz fusait-il par l'appendice inférieur, laissant sur sa route une véritable traînée d'hydrogène. Elle emportait, suspendue au-dessous de sa nacelle par un fil de fer, une sorte d'auréole d'artifice qu'elle devait enflammer. Maintes fois, elle avait répété cette expérience. Ce jour-là, elle enlevait de plus un petit parachute lesté par un artifice terminé en boule à pluie d'argent. Elle devait lancer cet appareil, après l'avoir enflammé avec une lance à feu toute préparée à cet effet. Elle partit. La nuit était sombre. Au moment d'allumer son artifice, elle eut l'imprudence de faire passer la lance à feu sous la colonne d'hydrogène qui fusait hors du ballon. J'avais les yeux fixés sur elle. Tout à coup, une lueur inattendue éclaire les ténèbres. Je crus à une surprise de l'habile aéronaute. La lueur grandit, disparut soudain et reparut au sommet de l'aérostat sous la forme d'un immense jet de gaz enflammé. Cette clarté sinistre se projetait sur le boulevard et sur tout le quartier Montmartre. Alors, je vis la malheureuse se lever, essayer deux fois de comprimer l'appendice du ballon pour éteindre le feu, puis s'asseoir dans sa nacelle et chercher à diriger sa descente, car elle ne tombait pas. La combustion du gaz dura plusieurs minutes. Le ballon, s'amoindrissant de plus en plus, descendait toujours, mais ce n'était pas une chute! Le vent soufflait du nord-ouest et le rejeta sur Paris. Alors, aux environs de la maison n° 16, rue de Provence, il y avait d'immenses jardins. L'aéronaute pouvait y tomber sans danger. Mais, fatalité! Le ballon et la nacelle portent sur le toit de la maison! Le choc fut léger. «À moi!» crie l'infortunée. J'arrivais dans la rue à ce moment. La nacelle glissa sur le toit, rencontra un crampon de fer. À cette secousse, Mme Blanchard fut lancée hors de sa nacelle et précipitée sur le pavé. Mme Blanchard se tua!»

Ces histoires me glaçaient d'horreur! L'inconnu était debout, tête nue, cheveux hérissés, yeux hagards!

Plus d'illusion possible! Je voyais enfin l'horrible vérité! J'avais affaire à un fou!

Il jeta le reste du lest, et nous dûmes être emportés au moins à neuf mille mètres de hauteur! Le sang me sortait par le nez et par la bouche!

«Qu'y a-t-il de plus beau que les martyrs de la science? s'écriait alors l'insensé. Ils sont canonisés par la postérité!»

Mais je n'entendais plus. Le fou regarda autour de lui et s'agenouilla à mon oreille:

«Et la catastrophe de Zambecarri, l'avez-vous oubliée? Écoutez. Le 7 octobre 1804, le temps parut se lever un peu. Les jours précédents, le vent et la pluie n'avaient pas cessé, mais l'ascension annoncée par Zambecarri ne pouvait se remettre. Ses ennemis le bafouaient déjà. Il fallait partir pour sauver de la risée publique la science et lui. C'était à Bologne. Personne ne l'aida au remplissage de son ballon.

«Ce fut à minuit qu'il s'enleva, accompagné d'Andréoli et de Grossetti. Le ballon monta lentement, car il avait été troué par la pluie, et le gaz fusait. Les trois intrépides voyageurs ne pouvaient observer l'état du baromètre qu'à l'aide d'une lanterne sourde. Zambecarri n'avait pas mangé depuis vingt-quatre heures. Grossetti était aussi à jeun.

«—Mes amis, dit Zambecarri, le froid me saisit, je suis épuisé. Je vais mourir!»

«Il tomba inanimé dans la galerie. Il en fut de même de Grossetti. Andréoli seul restait éveillé. Après de longs efforts, il parvint à secouer Zambecarri de son engourdissement.

«—Qu'y a-t-il de nouveau? Où allons-nous? D'où vient le vent? Quelle heure est-il?

«—Il est deux heures!

«—Où est la boussole?

«—Renversée!

«—Grand Dieu! la bougie de la lanterne s'éteint!

«—Elle ne peut plus brûler dans cet air raréfié,» dit Zambecarri!

«La lune n'était pas levée, et l'atmosphère était plongée dans une ténébreuse horreur.

«—J'ai froid, j'ai froid! Andréoli. Que faire?»

«Les malheureux descendirent lentement à travers une couche de nuages blanchâtres.

«—Chut! dit Andréoli. Entends-tu?

«—Quoi? répondit Zambecarri.

«—Un bruit singulier!

«—Tu te trompes!

«—Non!»

«Voyez-vous ces voyageurs au milieu de la nuit, écoutant ce bruit incompréhensible! Vont-ils se heurter contre une tour? Vont-ils être précipités sur des toits?»

«—Entends-tu? On dirait le bruit de la mer!

«—Impossible!

«—C'est le mugissement des vagues!

«—C'est vrai!

«—De la lumière! de la lumière!»

«Après cinq tentatives infructueuses, Andréoli en obtint. Il était trois heures. Le bruit des vagues se fit entendre avec violence. Ils touchaient presque à la surface de la mer!

«—Nous sommes perdus! cria Zambecarri, et il se saisit d'un gros sac de lest.

«—À nous!» cria Andréoli.

«La nacelle touchait l'eau, et les flots leur couvraient la poitrine!

«—À la mer les instruments, les vêtements, l'argent!»

«Les aéronautes se dépouillèrent entièrement. Le ballon délesté s'enleva avec une rapidité effroyable. Zambecarri fut pris d'un vomissement considérable. Grossetti saigna abondamment. Les malheureux ne pouvaient parler, tant leur respiration était courte. Le froid les saisit, et en un moment ils furent couverts d'une couche de glace. La lune leur parut rouge comme du sang.

«Après avoir parcouru ces hautes régions pendant une demi-heure, la machine retomba dans la mer. Il était quatre heures du matin. Les naufragés avaient la moitié du corps dans l'eau, et le ballon, faisant voile, les traîna pendant plusieurs heures.

«Au point du jour, ils se trouvèrent vis-à-vis de Pesaro, à quatre milles de la côte. Ils y allaient aborder, quand un coup de vent les rejeta en pleine mer.

«Ils étaient perdus! Les barques épouvantées fuyaient à leur approche!... Heureusement, un navigateur plus instruit les accosta, les hissa à bord, et ils débarquèrent à Ferrada.

«Voyage effrayant, n'est-ce pas? Mais Zambecarri était un homme énergique et brave. À peine remis de ses souffrances, il recommença ses ascensions. Pendant l'une d'elles, il se heurta contre un arbre, sa lampe à esprit-de-vin se répandit sur ses vêtements; il fut couvert de feu, et sa machine commençait à s'embraser, quand il put redescendre à demi brûlé!

«Enfin, le 21 septembre 1812, il fit une autre ascension à Bologne. Son ballon s'accrocha à un arbre, et sa lampe y mit encore le feu. Zambecarri tomba et se tua!

«Et en présence de ces faits, nous hésiterions encore! Non! Plus nous irons haut, plus la mort sera glorieuse!»

Le ballon entièrement délesté de tous les objets qu'il contenait, nous fûmes emportés à des hauteurs inappréciables! L'aérostat vibrait dans l'atmosphère. Le moindre bruit faisait éclater les voûtes célestes. Notre globe, le seul objet qui frappât ma vue dans l'immensité, semblait prêt à s'anéantir, et, au-dessus de nous, les hauteurs du ciel étoile se perdaient dans les ténèbres profondes!

Je vis l'individu se dresser devant moi!

«Voici l'heure! me dit-il. Il faut mourir! Nous sommes rejetés par les hommes! Ils nous méprisent! Écrasons-les!

—Grâce! fis-je.

—Coupons ces cordes! Que cette nacelle soit abandonnée dans l'espace! La force attractive changera de direction, et nous aborderons au soleil!»

Le désespoir me galvanisa. Je me précipitai sur le fou, nous nous prîmes corps à corps, et une lutte effroyable se passa! Mais je fus terrassé, et tandis qu'il me maintenait sous son genou, le fou coupait les cordes de la nacelle.

«Une!... fit-il.

—Mon Dieu!...

—Deux!... trois!...»

Je fis un effort surhumain, je me redressai et repoussai violemment l'insensé!

«Quatre!» dit-il.

La nacelle tomba, mais, instinctivement, je me cramponnai aux cordages et je me hissai dans les mailles du filet.

Le fou avait disparu dans l'espace!

Le ballon fût enlevé à une hauteur incommensurable! Un horrible craquement se fit entendre!... Le gaz, trop dilaté, avait crevé l'enveloppe! Je fermai les yeux ...

Quelques instants après, une chaleur humide me ranima. J'étais au milieu de nuages en feu. Le ballon tournoyait avec un vertige effrayant. Pris par le vent, il faisait cent lieues à l'heure dans sa course horizontale, et les éclairs se croisaient autour de lui.

Cependant, ma chute n'était pas très-rapide. Quand je rouvris les yeux, j'aperçus la campagne. J'étais à deux milles de la mer, et l'ouragan m'y poussait avec force, quand une secousse brusque me fit lâcher prise. Mes mains s'ouvrirent, une corde glissa rapidement entre mes doigts, et je me trouvai à terre!

C'était la corde de l'ancre, qui, balayant la surface du sol, s'était prise dans une crevasse, et mon ballon, délesté une dernière fois, alla se perdre au delà des mers.

Quand je revins à moi, j'étais couché chez un paysan, à Harderwick, petite ville de la Gueldre, à quinze lieues d'Amsterdam, sur les bords du Zuyderzée.

Un miracle m'avait sauvé la vie, mais mon voyage n'avait été qu'une série d'imprudences, faites par un fou, auxquelles je n'avais pu parer!

Que ce terrible récit, en instruisant ceux qui me lisent, ne décourage donc pas les explorateurs des routes de l'air!

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